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Créatif comme Andy Warhol
Après une longue marche, la famille Warhola arrive enfin à l’Église byzantine catholique de Saint Jean Chrystostome dans la ville industrielle de Pittsburgh. C’est à plusieurs kilomètres de marche, mais pas question de rater la messe pour cette famille très religieuse venue de l’actuelle Slovaquie.
Le petit Andy ouvre grand les yeux sur les multiples représentations des scènes bibliques aux couleurs vives ornées d’or. Il est fasciné.
L’une d’entre elles attire son œil plus que les autres. Une représentation de la Cène, l’ultime repas de Jesus avec les apôtres.
Atteint de Chorée, une maladie qui l’oblige à rester à la maison, Andrew Warhola est déjà un spectateur attentif du monde depuis les jupes de sa mère. C’est elle qui s’occupe de lui et lui apprend à dessiner.
30 ans plus tard, en 1962, Andrew Warhola devenu Andry Warhol, devient célèbre avec le portrait d’une icône des temps modernes qu’il « traite » à la manière des représentations de sa jeunesse : des traits simples, des couleurs vives sur un aplat d’or comme les Maniera Greca de l’église de Pittsburgh.
Marilyne Monroe devient Marie dans ce Gold Marilyn Monroe.
Andy va plus loin en utilisant un procédé industriel qui permet sa reproduction à l’infini : la sérigraphie. Ainsi, Gold Marylin n’est pas une œuvre unique. Il la décline plus tard sous la forme d’un diptyque représentant ce même portrait reproduit des dizaines de fois.
Au fond, Warhol fait le lien entre les icônes religieuses de sa jeunesse, l’American Way of Life et l’industrie qui produit en série des millions de machins et de bidules.
« Quand on y songe, les grands magasins sont un peu comme des musées. » Andy Warhol
Mais il veut aller plus loin.
Il le sait, c’est en fréquentant des personnalités radicalement différentes qu’il peut nourrir sa créativité. Il aménage donc son atelier dans une usine désaffectée de l’île de Manhattan et l’ouvre à tous : stars, marginaux, anonymes…
« Bien des gens pensaient que tout tournait autour de moi à la Factory. Mais c’était tout le contraire. C’était moi qui tournais autour d’eux. » Andy Warhol.
Le loft accueille les personnalités du monde entier. Agnès Varda, Bob Dylan ou Dali visitent la « Factory ».
Un soir, il repère au Café Bizarre un groupe de rock bien singulier. Les chansons, aux textes à la fois poétiques et crus, ont pour thème tous les tabous des années soixante : drogues et sexe sous toutes ses formes. La musique est dissonante, habillée des larsens des guitares électriques. Ils jouent fort. Très fort.
Warhol est séduit et les invite régulièrement à la Factory pour répéter. Il devient leur producteur et à ce titre leur conseille d’embaucher une “vraie chanteuse”. Ça sera Nico, mannequin allemand à la voix grave et sépulcrale. Elle chante faux mais là n’est pas l’essentiel.
Car l’histoire est en marche. Le Velvet Underground grave un album légendaire dont la couverture est plus célèbre que les chansons du disque qu’elle protège. Il s’agit de la sérigraphie d’une banane sur fond blanc accompagnée d’une vraie languette : « Pelez lentement et voyez ». La banane jaune laisse alors place à une banane rose.
Il reprendra ce concept de pochette… Comment dire… Interactive, pour les Rolling Stones avec l’album « Sticky Fingers ».
« Je parlais à Lou Reed l'autre jour et il me disait que le premier album des Velvet Underground n'a été vendu qu'à 30 000 exemplaires dans ses cinq premières années. Je pense que chacun de ceux qui ont acheté une de ces 30 000 copies a fondé un groupe ! » Brian Eno
Les années de la Factory seront les plus créatives de Warhol.
Après la tentative d’assassinat dont il a été victime, Warhol restreint l’accès à la Factory. En fermant son loft, il met fin à la période la plus créative de son œuvre.
Évoquons un autre aspect de sa personnalité. C’est un artiste polyvalent qui expérimente avec divers matériaux. Il abandonne (temporairement) la peinture dès 1965 pour se lancer dans le cinéma et produit 60 films expérimentaux en 5 ans. L’un d’entre eux, « Empire » est un plan fixe de l’Empire State Building.
8 heures tout de même.
Curieux de toutes les formes artistiques, il se lance aussi dans des spectacles mêlant danse, musique (avec le Velvet), projection de film et performance sadomasochiste. Un spectacle total pour un artiste touche à tout.
“Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, vous n'avez qu'à regarder la surface de mes peintures, de mes films, de moi. Me voilà. Il n'y a rien dessous.” Andy Warhol
À la fin de sa vie, Andy Warhol rend un dernier hommage à Andrew Warhola. Sa dernière œuvre est une variation autour de la Cène, ce dernier repas du Christ avec les apôtres, ce tableau qu’il avait tant admiré dans l’église de sa jeunesse. Tout un symbole.
Ultime retour aux sources avant de s’éteindre le 22 janvier 1987.
Sources :
« Leçons d’artistes », Grégoire Jeanmonod
« La grande expo - Andy Warhol, un prophète américain »
Morale de l’Histoire :
Andy Warhol assemble des idées qui n’ont rien à voir. Ainsi, Marylin Monroe devient icône biblique avec Gold Marylin.
Il va à l'encontre des conventions. Ainsi les œuvres d’art sont reproduites à l’infinie comme le font les usines avec les biens de consommation.
Il s’entoure de créatifs et de personnalités très différentes pour développer sa créativité.
Enfin, il fait une pause très tôt dans sa carrière de peintre pour se consacrer à d’autres formes d’art comme le cinéma et plus tard la photographie. La créativité se développe aussi en changeant de support.
🎁La fiche PDF est disponible ici.
Coup de cœur
Le premier album du Velvet Underground masque d’autres excellents albums de cette période, notamment… l’album « solo » de Nico. Quelques chansons douces… En apparence. Ça s’appelle « Chelsea Girl ».
La vidéo
Grégoire Jeanmonod, journaliste spécialisé dans les beaux-arts et aujourd’hui conférencier, m’a fait le plaisir de répondre à mes questions. Son livre, « Leçons d’artistes » est une plongée dans l’histoire de la « fabrication » de certaines œuvres célèbres de Warhol, Picasso, Vinci et bien d’autres.
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