Henri IV : faire la paix
Si son panache blanc est aussi célèbre, c'est qu'il y a une raison. La voici ...
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Nous sommes en 1925.
Dans son petit musée de Montmartre, le brocanteur Joseph-Emile Bourdais expose des tas de curiosités accumulées tout au long de sa vie. Si vous le lui demandez, il vous montrera SA découverte. C’est une relique unique qui lui sert de support pour raconter des histoires que beaucoup jugent extravagantes.
À tort ?
La plus célèbre a traversé le XXe siècle pour arriver jusqu’à nous.
Cette tête momifiée aurait été “volée” à son propriétaire en 1793 lors de la profanation par les révolutionnaires des tombes de la Basilique Saint-Denis qui abrite alors les dépouilles royales.
Le brocanteur en est sûr : il s’agit de la tête d’un roi. Et pas n’importe lequel.
Le roi Henri IV est certainement l’un des plus connus et des plus populaires. Chaque écolier a déjà pu apprécier les portraits du Vert Gallant, tête vissée sur sa Fraise, ces immenses collerettes à la mode au XVIe siècle.
Monarque, il a pourtant été célébré par plusieurs Présidents de la République comme Vincent Auriol ou Nicolas Sarkozy. Il semble faire aujourd’hui l’unanimité.
Et pourtant…
La France du XVIe siècle est en guerre civile. Jacques Bainville dans son Histoire de France évoque 4 millions de morts. La Saint-Barthélemy et l’assassinat du duc de Guise ont marqué les esprits. Henri de Navarre devient roi après l’assassinat d’Henri III.
La partie n’est pas gagnée pour le mari de la reine Margot.
“Pitié, confusion, misère partout” Henri IV
Le 2 août 1589, lorsqu’il devient roi par la légitimité que lui confère la loi salique, un sixième seulement du royaume lui fait allégeance. La Ligue catholique, inféodée à l’Espagne, règne sur le reste du territoire, y compris Paris.
Pour “amadouer” le pays, le roi sans trône propose solennellement trois principes :
La religion du royaume restera la religion catholique, apostolique et romaine,
Lui-même, pourtant protestant, demande à être instruit dans la religion catholique,
Enfin, il s’achète des alliés et s’évite encore plus de défiance en maintenant les charges et privilèges des officiers.
Comme nous l’apprend Jean-Christian Petitfils dans sa biographie d’Henri IV, la manœuvre n’aboutit pas au résultat escompté. Pire, ses camarades huguenots font défection tout comme sa femme, la fameuse reine Margot.
“Roi sans royaume, général sans argent, mari sans femme” Henri IV
Avec ce qui lui reste d’armée, d’argent et de volonté, il arrive à conquérir quelques territoires comme Dieppe ou Ivry (le jour du “Panache Blanc”).
Mais le gros morceau, c’est Paris. Hélas, 40 000 hommes périssent lors du siège.
Il est urgent de changer de stratégie. C’est ce qu’il va faire.
Henri IV a compris qu’il fallait charmer et amnistier d’abord
Devant les difficultés rencontrées à Rouen et Paris, Henri de Navarre opte pour la conversion le 25 juillet 1593 après l’avoir longtemps retardée. Ce “saut périlleux” lui ouvre petit à petit toutes les portes du royaume et tue lentement mais sûrement la Ligue catholique.
“Paris vaut bien une messe” citation apocryphe d’Henri IV
Henri IV s’attache à se faire connaître dans tout le pays tel que nous l’imaginons aujourd’hui : jovial et accessible. Il parcourt tout le territoire. Chaque kilomètre du royaume lui est familier.
Ainsi, Eléonore de Médicis dit de lui :
“C’est un homme à se faire aimer des pierres”
Il place la politique d’union du royaume au-dessus de tout. Les membres de la Ligue, les frondeurs, les anciens ennemis ne sont pas punis après le siège de Paris. Peu importe le camp choisi par un tel ou un autre, le roi pardonne et parfois met la main au portefeuille pour “conquérir” les dernières poches de résistance.
“Je reconnais que toutes mes victoires viennent de Dieu, qui étend sur moi sa main, encore que j’en sois indigne et comme il me pardonne, aussi veux-je pardonner, et oubliant les fautes de mon peuple, être encore plus clément et miséricordieux envers lui que je n’ai été” Henri IV
On retrouve cette logique d’amnistie dans un des articles de l’Edit de Nantes qui interdit les poursuites judiciaires en représailles d’actes commis après 1585, soit 13 ans avant la signature du document :
“La mémoire de toutes choses passées d'une part et d'autres, depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu'à notre avènement à la couronne et durant les autres troubles précédents et à leur occasion, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucunes cours ou juridictions que ce soit”.
Le contraste entre cette posture et celle des Ligueurs, notoirement tyranniques, est saisissant. Paris fait l’objet d’épurations régulières et violentes, de jugements sommaires et de pendaisons à tout-va. De quoi raviver l’envie de paix et de monarchie au sein de la population.
Charmer tous et tout le temps, c’est ainsi qu’Henri IV installe petit à petit son personnage, son rôle, son destin. Mais attention, s’il est doux sur la forme, il est dur sur le fond et n’a qu’une seule idée en tête ; la fin de la guerre civile.
Henri IV a compris le rôle des “médias”
Cette posture d’homme ouvert est largement diffusée sur le territoire au travers d’œuvres qui illustrent l’accueil offert par le roi aux ex-ligués :
Le site Histoire Par l’Image décrypte la symbolique de ce tableau de Jean Le Clerc :
Le personnage de gauche représente la Ligue, hypocrite derrière un masque qu’elle quitte.
Le personnage de droite est un soldat de l’armée d’Henri IV reconnaissable à son écharpe blanche (accompagnée des plumes blanches sur le casque, le fameux “panache blanc”) et à sa main tendue et amicale. L’épée reste dans le fourreau.
Enfin, le personnage central est un ex-partisan de la Ligue, lui tournant le dos pour bientôt se rallier au camp d’Henri de Navarre.
Toute la stratégie d’Henri IV tient dans cette image.
“Un appareil de propagande se met alors en place afin de diffuser messages panégyriques, placards, estampes, caricatures même. S’accompagnant de quelques traits - la cuirasse, l’écharpe blanche, le panache, la fumée des batailles ou des sièges -, les gravures insistent sur ses vertus héroïques” Jean-Christian Petitfils
Finalement, c’est cette image qui nous est parvenue au travers des siècles.
Henri IV cherche l’accord minimum viable
Le grand œuvre d’Henri IV reste l’Edit de Nantes, signé le 13 avril 1598.
Son objectif est de mettre fin à 36 ans de guerres de religions entre catholiques et protestants. Négocié entre représentants des deux cultes, il comporte 92 articles officiels, 56 articles particuliers et deux brevets. C’est un accord politique et territorial.
Il est resté dans l’Histoire comme le premier acte instaurant la liberté de croyance.
Il est aussi largement en faveur des protestants qui prennent possession de certains territoires, protégés par l’armée du roi qui plus est.
Cependant, il installe un d’Etat dans l’Etat incompatible sur le long terme avec la vision du monarque :
“Dans l’esprit du roi, c’est un édit transitoire, mais qui a l’avantage d’arrêter les massacres. On peut le comparer à un armistice laissant chacun camper sur ses acquis.” Jean-Christian Petitfils.
Le sceau de l’exemplaire envoyé au Parlement de Paris est le symbole de cette ambiguïté.
Selon les historiens du XIXe siècle, celui-ci est jaune, ce qui signifie que l’Edit de Nantes est un accord temporaire. Avec le temps, il aurait bruni cachant sa couleur initiale.
Or, les études faites sur le sceau montrent aujourd’hui quelques signes de pigment vert, la couleur des accords permanents. Peut-on imaginer que la mauvaise qualité de la cire a petit à petit décoloré le sceau royal ? Ou est-ce un tour de passe-passe du monarque ?
C’est encore un sujet de discussion entre historiens plus de 400 ans après.
Toujours est-il qu’avec cet accord, Henri IV atteint son objectif : mettre fin à la guerre civile et faire coexister protestants et catholiques.
Conclusion
Le 16 mai 1610, le fanatique catholique Ravaillac se jette sur la voiture du roi et le tue, signe que les tensions religieuses sont encore présentes. La révocation de l’Edit de Nantes en 1685 interrompt le principe de liberté de croyance.
Mais c’est une idée qui a du souffle, et l’Edit de Versailles de 1787 met fin définitivement aux persécutions contre les protestants.
En 2010, 19 scientifiques confirment l’histoire extravagante de Joseph-Emile Bourdais : la tête achetée 3 sous est bien celle d’Henri IV. Si cela est vrai, peut-être pense-t-elle à la promesse faite au Pape Paul V il y a plus de 400 ans :
“Si j’avais deux vies, j’en donnerais volontiers une pour satisfaire Sa Sainteté. N’en ayant qu’une, je dois la garder pour son service et l’intérêt de mes sujets.”
🧠 Ce que nous pouvons retenir d’Henri IV
Afin de fédérer, Henri IV a misé sur sa jovialité et son humour. Cela rend plus aisé le dialogue avec les partisans et les opposants.
Mais il ne lâche rien sur son objectif : le retour de la paix intérieure du royaume.
C’est d’ailleurs objectif simple à énoncer : rétablir la paix.
Henri IV a parcouru tout le royaume et semble d’autant plus légitime. C’est sur le terrain que naissent les meneurs. D’ailleurs, la fameuse phrase “Ralliez-vous à mon panache blanc” a été prononcée sur le champ de bataille.
L’amnistie de l’Edit de Nantes permet à tous de repartir de zéro.
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Voici les ressources nécessaires à la préparation de cette newsletter :
📚 “Henri IV”, Jean-Christian Petitfils et l’article d’Historia sur Henri IV par le même auteur.
📚 Le site Histoire Par l’Image
📚 Histoire de France, Jacques Bainville
📚 Le Dictionnaire de l’Histoire
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Bonne semaine à tous !
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Ce que je retiens c'est qu'Henri IV utilisait une technique moderne pour rallier tout le monde avec lui, c'est la peinture ! Qui plus est de l'art, qui peux remettre en cause l'art ? Aujourd'hui nous arrivons même pas à le faire avec la télé 🤔. En tout cas pour certains 😅.