Winston Churchill : Gagner la guerre
De loser de l’entre-deux-guerres à leader du siècle, que pouvons-nous apprendre du parcours de Churchill ?
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Le baron Beaverbrook n’en croit pas ses oreilles.
Le nouveau premier ministre lui demande de rejoindre son cabinet pour s’occuper d’un nouveau ministère : celui de… La production d’avions.
Rien d’évident dans ce choix, pas vrai ?
Beaverbrook est surtout reconnu comme un chef d’entreprise coriace et un magnat de la presse prospère. Certainement pas comme un homme politique.
Peu importe.
Pour Churchill, le style direct et implacable de Beaverbrook va lui permettre de répondre au défi vital du moment : augmenter drastiquement le parc d’avions de combat, réduit à peau de chagrin par les bombardements allemands visant les aérodromes et les usines aéronautiques.
En quelques semaines seulement, le baron réussit à augmenter la production de Spitfire (le célèbre avion de la Royal Air Force) de plus de 50 %. Pas mal pour un rooky.
Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur.
C’est que la situation est mauvaise pour les alliés et l’Angleterre depuis l’armistice signé par le gouvernement français. La Bataille de France se termine, celle d’Angleterre commence. Les Britanniques sont en première ligne et les nazis commencent à les bombarder. La fin de la drôle de guerre n’a rien d’amusant et le premier discours de Churchill, fraîchement investi, à la Chambre des communes annonce la couleur :
Nous avons devant nous une épreuve de première grandeur. Nous avons devant nous, de très longs mois de lutte et de souffrance. Vous me demandez quelle est notre politique ? Je vous réponds : faire la guerre, sur mer, sur terre et dans les airs, avec toute notre puissance et toute la force que Dieu peut nous donner ; faire la guerre contre une tyrannie monstrueuse, qui n’a jamais eu d’égale dans le sombre et lamentable catalogue des crimes humains. Voilà notre politique.
Il annonce aussi avoir formé un cabinet de guerre de 5 membres seulement contre 9 auparavant. Lui-même occupe le poste de Ministre de La Défense en plus de ses attributions de chef du gouvernement. L’objectif ? Une prise de décision rapide. C’est un point commun qu’il a avec Beaverbrook : Churchill n’aime pas la bureaucratie et les discussions à n’en plus finir.
La longueur de ce document le protège du risque d’être lu.
Cette hostilité pour la bureaucratie ne lui fait pas perdre son sens politique. Il ne peut pas défendre la place de son pays en ayant à défendre la sienne à la Chambre des communes. Il accueille donc dans son cabinet des responsables politiques de l’opposition travailliste comme Clement Attlee. Ça ne l’empêche pas d’avoir la dent dure contre ses opposants d’hier.
Christophe Colomb fut le premier socialiste : il ne savait pas où il allait, il ignorait où il se trouvait… Et il faisait tout ça aux frais du contribuable
Toujours dans l’esprit d’une coalition, il fait même appel dans son camp à Neville Chamberlain, forcé quelques jours avant de démissionner pour lui laisser sa place justement. Ainsi, Churchill referme le front politique pour se concentrer sur le front militaire. Chacun fait contre mauvaise fortune bon cœur le temps du conflit. Mais le temps du conflit seulement. En 1945, c’est bien Attlee qui prendra la place de Churchill au 10 Downing Street. Ô monde cruel !
Son équipe constituée, le lion multiplie les déplacements.
Il sait que la vérité du terrain passe toujours par l’observation sur place et jamais par les lunettes déformantes de la bureaucratie. Il utilise les déplacements pour observer et noter ce qui ne va pas. Ainsi, les constats qu’il dresse en visitant les bases militaires lui permettent de pointer du doigt certaines faiblesses logistiques de son armée et de mobiliser l’état-major afin d’y apporter les réponses nécessaires. On retrouve ce leadership très concret dans le projet Mulberry, le port artificiel au large des côtes normandes.
Parcourir le pays lui permet aussi d’imprimer sa marque : un cigare à la bouche, une canne sur laquelle il fait parfois tourner son chapeau et enfin le V de la victoire au bout des doigts. Le tout est relayé chaque semaine dans tous les cinémas du pays. Churchill superstar.
We shall never surrender
Ainsi, les Anglais ont pu entendre peu après son allocution du 4 juin 1940, son plus célèbre discours :
Nous irons jusqu’au bout, nous nous battrons en France, nous nous battrons sur les mers et les océans, nous nous battrons avec toujours plus de confiance ainsi qu’une force grandissante dans les airs, nous défendrons notre Île, peu importe ce qu’il en coûtera, nous nous battrons sur les plages, nous nous battrons sur les terrains de débarquement, nous nous battrons dans les champs et dans les rues, nous nous battrons dans les collines ;
Nous ne nous rendrons jamais,
et même si, bien que je n’y crois pas un seul instant, cette Île ou une grande partie de cette Île était asservie et affamée, alors notre Empire au-delà des mers, armé et gardé par la flotte britannique, continuera de lutter, jusqu’à ce que, quand Dieu le voudra, le Nouveau Monde, avec tout son pouvoir et sa puissance, vienne à la rescousse libérer l’Ancien.
(Un discours de Churchill s’écoute plus qu’il ne se lit, alors voici l’original. Remarquez son élocution si reconnaissable. Tout le monde pense qu’il s’agit d’un excès de Whisky mais non. L’un des plus grands orateurs du siècle souffrait d’un défaut d’élocution, le “zézaiement” latéral qui l’empêche de bien prononcer les « s » et les « z ». Étonnant non ? )
En mai 1941, un an après l’arrivée de Churchill au 10 Downing Street, les Anglais gagnent finalement la bataille d’Angleterre après des mois de bombardements.
Ils se sont donc battus et ne se sont pas rendus.
Bien sûr, cette victoire ne change rien au fait que Churchill n’a pas que des qualités comme nous l’avons vu dans l’édition précédente. Mais il semble que le lion une fois libéré de sa cage trouve enfin cette place où son tempérament combatif et son culot, souvent exprimés au-delà du raisonnable, deviennent finalement des atouts.
Dans son documentaire audio consacré au mythe Churchill, Pierre Assouline nous dit :
Nul doute que s’il sévissait en politique des conseillers en communication s’empresseraient de le faire renoncer à tous ses vices en raison du mauvais effet supposé sur une opinion tyrannisée par le politiquement sain et correct. Mais Winston les enverrait paître.
Au fond, ses mauvais côtés sont aussi un peu les nôtres. Les amateurs du Petit Nicolas le savent bien : la compagnie d’Alceste est plus amusante que celle d’Agnan.
N’est-ce pas aussi pour les défauts de Winston que l’on a envie de suivre Churchill ?
Sources :
Secrets of leadership : Churchill
Morale de l’Histoire
Churchill privilégie la rapidité de la décision au respect de toutes les étapes bureaucratiques.
Pour cela, une seule solution, une équipe réduite.
Il sait se rendre sympathique en utilisant l’humour notamment.
Il se distingue par ses prises de parole. Churchill lisait tout le temps. Ses discours sont le produit de cette soif de mots.
Il reste en contact avec la réalité en organisant de nombreux déplacements. Mais il ne se contente pas de communiquer. Il observe.
Il joue le détective pendant ses déplacements traquant les dysfonctionnements à même de mettre en danger l’édifice commun.
La question
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Alexandre
PS : il y a une page cachée sur ce site… Là voici.