De quand date la France ?
De quand date la France ? Quelles sont les étapes importantes de sa naissance ? Réponse en trois actes.
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De quand date la France ? C’est une question qui n’appelle pas une seule réponse. Certains considèrent que c’est le règne de Clovis qui marque la naissance de notre pays. D’autres que c’est le règne d’Hugues Capet ou l’épopée de Jeanne d’Arc.
Sans doute que tout le monde a un peu raison et un peu tort à la fois.
Avant la France, la Neustrie et la Francie
Louis VI rédige à l’intention du Pape Calixte II une lettre. Il s’y proclame :
« Roi de la France, non plus des Francs, et fils particulier de l'Église romaine »
Nous sommes en 1119 et pour la première fois dans un texte officiel, notre pays est nommé : France. Cela deviendra une habitude sous Philippe Auguste dès 1203. Et oui, bien après le règne de Clovis.
Car la France est d’abord née par sa langue lors du serment de Strasbourg en 842. C’est en langue romane (le français sous sa première forme) qu’est rédigé, afin d’être compris, le serment que Louis le Germanique adresse aux troupes de Charles le Chauve.
Un an après, le traité de Verdun entre Charles le Chauve, Lothaire et Louis le Germanique, dessine les premières frontières de ce qui deviendra l’Italie, l’Allemagne et notre pays.
Mais il est encore trop tôt pour parler de France.
Sacrée affaire que celle de l’invention de notre pays et c’est pour cela qu’il est difficile de répondre à cette question : de quand date la France ?
La famille des Robertiens, que l’on nommera ensuite Capétiens, y a joué un rôle essentiel en construisant règne après règne le pays que nous connaissons et cela pendant presque neuf siècles, d’Hugues Capet (987) à Louis-Philippe (1848).
Comment ont-ils fait ? Eux les propriétaires d’un pouvoir pourtant très limité à l’aube de l’an mille ? Comment ont-ils réussi à imposer leur règne et à durer plus que n’importe quelle autre dynastie ?
Je vous propose de revenir sur le parcours de trois rois Capétiens qui ont marqué notre Histoire en retirant à chaque fois un acte essentiel dans cette “invention” de la France.
Hugues Capet revient sur la coutume pour mieux pérenniser le royaume
Hugues appartient à la famille des Robertiens. Son grand-père, Eude, s’est illustré lors du siège Viking de Paris de 885-887 en défendant vaillamment la ville contre les assauts des hommes de Siegfried alors que Charles III, résistant trop mollement aux hommes du nord (les Normands) est déchu de son trône.
Eude devient roi des Francs en 888 et brise une première fois la continuité dynastique des héritiers de Charlemagne (les Carolingiens). Cette entaille ouvre la voie à un changement définitif de dynastie un siècle plus tard.
Mais il fallut tout de même un peu de malice et de chance pour qu’arrive le temps des Capétiens.
Hugues Capet devient roi en 987, élu par les seigneurs de Francie à la suite de la mort (accidentelle ?) du Carolingien Louis V lors d’une partie de chasse. En plus d’une chance certaine, Hugues a pu bénéficier du soutien intéressé de l’évêque Aldabéron de Reims, proche du pouvoir germanique, pour qui la faiblesse relative d’Hugues Capet est une incontestable qualité.
Car tout roi qu’il est, sa légitimé et son autorité sont faibles.
À l’occasion d’un échange avec l’un de ses vassaux qui lui désobéit, Hugues lance :
“Qui t’a fait comte ?”
La réplique fuse :
“Et toi, qui t’a fait roi ?”.
Ambiance.
Mais Hugues, déjà âgé de 47 ans au moment de son sacre, voit loin et tire les conséquences de l’échec des Carolingiens à consolider un royaume… Quitte à transgresser les coutumes franques, notamment celle qui consiste à diviser le territoire du roi à sa mort en autant de parts que de fils. Le sort de chaque empire était donc d’être divisé et celui de chaque conquête territoriale d’être '“annulée” par les conflits inévitables entre les héritiers. Ce qui est vrai pour les acteurs et les chanteurs l’est aussi pour les empereurs. C’est rassurant.
C’est ainsi que l’empire de Charlemagnes est divisé en trois après le règne de Louis le Pieux son fils.
Hugues met fin à cette coutume et applique le principe de la primogéniture : l’aîné de ses fils prendra la succession de son père. Les autres sont une armée de réserve. On est jamais trop prudent.
Ainsi, Robert, alors âgé de 15 ans, sera sacré la même année que son père afin d’être associé à la couronne. Il deviendra Robert II et prendra la succession de son père en 996.
Hugues Capet établit une nouvelle tradition assurant la stabilité nécessaire au royaume pour durer.
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Philippe Auguste unit le pays autour des conquêtes
Philippe Auguste, il sait ce qu’il veut.
Jacques Bainville dans sa célèbre Histoire de France décrit ainsi celui qui régna presque 43 ans :
« Chez lui tout était volonté, calcul, bon sens et modération. En face de ces deux fous furieux, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre, […] Philippe Auguste représente le réalisme, la patience, l’esprit d’opportunité ».
C’est un conquérant réfléchi et efficace, concentré sur ses objectifs. Rien ne le dévie de son ambition de chasser les Plantagenêts hors de du royaume. Même pas les croisades auxquelles il participe parce qu’il est “convenable d’y aller” comme l’écrit Bainville, mais qu’il quitte très rapidement pour revenir au pays.
Il suffit de regarder cette carte pour se rendre compte de l’importance du travail accompli en 40 ans. La dynastie anglaise Plantagenêt ne possède plus qu’une petite partie du territoire. Ses successeurs se chargeront de finir le travail.
Les victoires de roi de France inquiètent le reste de l’Europe, plus particulièrement l’empereur allemand Otton IV, Jean sans Terre, les comtes de Flandres et de Boulogne et le duc Brabant.
Une première alliance se construit pour battre le Capétien. Le 27 juillet 1214, à Bouvines, les 7 000 soldats de Philippe Auguste doivent contrer les 9 000 hommes de la coalition emmenée par Otton IV. Malgré cela, la victoire des Français est totale, la déroute de la coalition aussi. À tel point que Paris fête son souverain pendant 6 jours.
Pour beaucoup d’historiens, cette victoire offre les premières manifestations de sentiment national Français. D’ailleurs, Philippe Auguste s’éteint… Un 14 juillet. Ça ne s’invente pas.
Philippe Le Bel se détourne de la féodalité pour construire l’état moderne
On n’est pas loin d’un film d’action à la Mission Impossible. Dans le rôle de Tom Cruise version cape(t) et épée, Philippe Le Bel.
En plein conflit avec le pape Boniface VIII, il envoie son chancelier lui signifier son prochain procès lors d’un concile œcuménique. Devant la réaction horrifiée de Boniface, le chancelier décide… D’enlever le pape afin d’éviter l’excommunication se disant qu’il n’y avait pas de mauvaise solution et que seul le résultat compte finalement.
Relâché quelques jours plus tard, Boniface meurt « d’émotion » selon la légende et le roi de France évite d’être excommunié.
Jaloux de ses prérogatives et de l’indépendance du pays, ses efforts se sont portés sur la centralisation administrative du pays. On lui doit le Parlement en charge des affaires judiciaires, la création du garde des Sceaux ou de la chambre des comptes. Ce sont autant de “domaines réservés” arrachés progressivement des mains des petits et grands seigneurs dont les fiefs étaient jusqu’ici les multiples cœurs de la gouvernance du pays.
Au fond, son règne de 1285 à 1314 marque le début de la fin de la féodalité.
Alors de quand date la France ?
Une chose est certaine. Après le règne de Philippe Le Bel, le territoire est uni par sa langue, sa religion, un état fort et centralisateur et une incarnation en la personne du roi.
L’Histoire a pris son temps, mais nous y sommes, la France est devenu le plébiscite de tous les jours décrit par Renan. La France est née.
Sources :
Histoire de France, Jacques Bainville
Hugues Capet élu roi des Francs
Philippe Auguste : l’inventeur de la nation Française
Philippe IV le bel : un roi administrateur
Morale de l’Histoire
En appliquant la primogéniture, Hugues Capet n’hésite pas à revenir sur une règle de gouvernance franque ancestrale. C’est sans doute une décision majeure pour notre histoire.
Philippe Auguste reste très focalisé sur la mission qu’il s’est donnée. Nul doute que cela a joué.
Il applique la loi de la victoire : par effet d’entraînement, chaque victoire donne encore plus de chance d’une autre victoire.
Philippe le Bel s’entoure de juristes afin de redéfinir les règles du jeu. Il privilégie la compétence au rang, plutôt la petite bourgeoisie que les grands feudataires.
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Alexandre