Jacques Bainville, prophète de l'Histoire
La lecture des "Conséquences politiques de la paix" se révèle étonnante.
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Retrouvez le replay du second live de Morale de l’Histoire consacré à Jacques Bainville.
Les prophéties de Jacques Bainville
C’est avec méfiance que François Mitterand a vu le mur de Berlin tomber ce 9 novembre 1989. Il le sait, cet événement amènera l’Allemagne divisée à la réunification.
Voilà qui lui rappelle des souvenirs de jeunesse.
Et parmi eux, la lecture d’une œuvre de Jacques Bainville rédigée au lendemain de la signature du traité de Versailles en 1919 : “Les conséquences politiques de la paix”. Mitterrand, alors proche de l’Action Française, le mouvement politique monarchiste et nationaliste auquel appartenait Bainville, l’a sûrement lu.
“Une paix trop douce pour ce qu'elle a de dur, et trop dure pour ce qu'elle a de doux.” dans Les conséquences politiques de la paix.
Étonnant ouvrage qui annonce que le pire est à venir alors que les confettis de la victoire retombent à peine. Étonnant ouvrage qui traite d’un sujet compliqué avec une grande clarté d’expression. Étonnant ouvrage qui donne à son auteur le statut (posthume) de prophète.
Sa thèse peut se résumer ainsi : une Allemagne unie, peuplée par 60 millions d’habitants (contre 40 millions de Français) déséquilibre les rapports de force en Europe et amènera une nouvelle guerre.
En cela, le traité de Versailles est trop doux selon l’académicien car il laisse l’Allemagne unie, dotée d’un état et d’une administration. Sans le savoir, les Allemands ont perdu la guerre mais gagner la paix. Les Alliés ont gagné la guerre et perdu la paix.
Mais le traité est aussi trop dur quand il s’agit du reste et notamment des sanctions financières pour “réparations” :
“Pendant plus d’une génération, les Allemands devront payer le tribut principal aux Français qui sont un tiers de moins qu’eux : quarante millions de Français ont pour débiteurs soixante millions d’Allemands”.
Le poids de cette dette se transmettant de la génération de 1914 à la suivante, on peut parier comme l’écrit Bainville que la population allemande ne s’insurge et suive finalement “un seul chef” afin de “briser leur chaîne”.
Bainville ne s’arrête pas là.
Bainville prédit le réarmement de l’Allemagne
Selon lui, les garanties de désarmement de l’Allemagne dans le traité de Versailles ne valent pas grands choses :
“Le désarmement qu’ordonne le traité de Versailles est une garantie encore plus faible que celui que Napoléon lui-même n’avait pu obtenir et pourtant Napoléon est entré à Berlin.”
Bainville voit dans l’Allemagne un pays de facto militariste. Son réarmement est une fatalité, traité de Versailles ou pas :
“Sur les frontières incertaines et toujours disputées du germanisme et du slavisme, dans un pays sans limites naturelles, ouvert aux quatre vents, la force militaire est une nécessité. […] Il ne manquera que l’occasion et l’homme qui mettront ce militarisme en mouvement.”
Hitler sera cet homme. Il se chargera au début des années trente de donner raison à Bainville.
Bainville prédit l’Anschluss
Lisant l’avenir dans la carte de l’Europe comme les voyants le lisent dans le marc de café, son constat est sans appel : l’Allemagne va à terme vouloir absorber ses voisins plus petits :
“Et du moment qu’on voulait créer une Autriche indépendante, il fallait qu’il y eût aussi d’autres morceaux d’Allemagne indépendants. L’accessoire est à la portée du principal. Trop grande tentation pour l’Allemagne de réincorporer à la patrie allemande les pays autrichiens. Trop grande tentation pour l’État de Vienne de rejoindre une communauté vaste et puissante”.
18 ans après la publication de ses lignes, le 12 mai 1938, les troupes de la Wehrmacht entrent en Autriche sans aucune résistance de la population.
Bainville prédit le pacte germano-soviétique
La reconstitution d’un état indépendant de Pologne offre une occasion à l’Allemagne et à la Russie de passer une alliance :
“[…] Le traité de Versailles a noué l’alliance de l’Allemagne et de la Russie. On a plus le droit de s’y tromper. Du moment qu’entre Allemagne et la Russie, aux dépens de l’une et de l’autre, on reconstituait une Pologne, la communauté des intérêts et des sentiments s’établissait”
Le 23 août 1939 est signé l’accord de non-agression entre l’Allemagne et l’Union Soviétique permettant à Hitler d’envahir la Pologne, les Pays-Bas et la France et à Staline d’envahir une partie de l’Europe du Nord, des pays Baltes, de la Moldavie et de la Buconive du nord.
L’Histoire est-elle d’une “fatigante monotonie” ?
C’est ce qu’écrit Bainville dans une page de son livre.
Sa connaissance de l’Histoire et de la géographie de l’Europe, qui l’amène à utiliser le passé comme matière première de ses prophéties, lui permet de viser juste.
Pour autant, a-t-il eu raison sur tout ? Quelles solutions proposait-il ? Étaient-elles réalistes ? Quelle était sa méthode ? Qu’aurait-il dit de notre monde ? Sa pensée est-elle encore d’actualité ?
C’est le sujet du second live de Morale de l’Histoire en compagnie de Christophe Dickès, auteur de “Jacques Bainville : les lois de la politique étrangère”.
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