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Depuis que les Allemands concentrent leurs efforts sur la bataille de Russie plutôt que sur la campagne d'Angleterre, le premier ministre anglais ne pense qu’à une chose : le Débarquement.
Mais il le sait, ce n’est pas pour tout de suite. Les innovations technologiques nécessaires sont loin d’être disponibles. Furieux du peu de progrès des ingénieurs anglais, le vieux lion adresse ce mémorandum le 30 mai 1942 à l’Amiral Louis Mountbatten et son second, le Capitaine John Hughes-Hallet.
"Ils doivent monter et descendre avec la marée. Le problème de l’ancrage doit être résolu. Faites-moi connaître la meilleure solution. Ne discutez pas la question. Les problèmes se poseront d’eux-mêmes"
Ainsi naît l’un des projets les plus secrets et innovants de l’Histoire.
Nom de code : Mulberry
Et voici ce que son histoire nous apprend sur l'art d'innover.
1 - L’innovation vient d’un constat fiable sur le problème à résoudre
En août 42, les Anglais et les alliés font l’amère expérience de leur manque de préparation humaine, matérielle et technologique face aux ports fortifiés du mur de l’Atlantique bâti par les Allemands. Le raid de Dieppe, l’opération "Jubilee", est un échec sévère des alliés qui doivent rebrousser chemin au bout de 9 heures après avoir perdu une grande partie de leur matériel et surtout de leurs soldats. Sur 6000 hommes, 4300 sont tués.
Les alliés tirent de cette défaite plusieurs constats :
Il est devenu évident que les ports sont imprenables. Il faut débarquer sur une plage et pas n’importe laquelle.
Lors de cette première tentative de débarquement, les chars anglais très lourds sont restés coincés sur les galets. La plage doit donc être une plage de sable, solide et plane.
Il reste à imaginer des embarcations à même de s’échouer dessus tout en maîtrisant sa trajectoire dans la houle et les courants, ce qui n’existe tout simplement pas en 1942.
Enfin, pour réussir le débarquement, il faut rapidement ravitailler en vivres, hommes, munitions et matériels le front pour consolider l’offensive.
2 - L’innovation vient d’une intuition forte
Fort de ces constats, John Hughes-Hallet déclare comme une boutade devant le War Office britannique :
"Si aucun port ne peut être pris, alors il faut en amener un"
Churchill prend cette remarque au sérieux et demande quelque temps plus tard à Hugues-Hallet, nommé chef de l’état-major naval de l’opération Overlord (le Débarquement) d’y travailler.
Les alliés partent de zéro. Tout reste à inventer pour concrétiser ce port artificiel flottant si décisif pour la réussite de la bataille de Normandie. C’est sûr, comme l’écrit Churchill dans son mémorandum : « Les problèmes se poseront d’eux-mêmes ».
L'intuition des deux hommes va devenir une conviction par la force du prototypage.
3 - L’innovation est validée par le test
Les Anglais se sont donc attelés à trouver des solutions. Trois projets ont été testés en situation réelle sur la dizaine étudiée.
Le projet « Swiss Roll »
Il s’agit d’une sorte de route flottante sous la forme d’une toile imperméabilisée que l’on déroule comme un tapis renforcé par des câbles en acier et des lattes de bois.
Le projet « Hippo »
Il s’agit d’un immense caisson en béton ancré dans les fonds marins surmontés d’une passerelle métallique. Les modules Hippo assemblés forment une route de 2 kilomètres à l’aide de poutres métalliques qui forment le tablier sur lequel roulent les soldats et le matériel.
Le projet « Whale »
Là aussi, des caissons vides en béton répondant au nom de « Phénix » mais cette fois-ci flottants pour suivre le mouvement de la houle et de la marée. Le lien entre chaque caisson est assuré par une sorte de colonne vertébrale en métal qui s’adapte, grâce à un système de rotules à ses extrémités, aux mouvements de l’eau.
Les 3 prototypes sont testés sur le port de Garlieston en Angleterre. Le choix de la bonne solution fut facile. Une immense tempête avec des vents à 100km/h et des vagues de 4 mètres de haut balaie le petit port anglais.
Seul le projet Whale tient le coup.
4 - L’innovation se donne toutes les chances en répondant à un problème… Du chef
Une fois le projet choisi, les concepteurs du projet Whale ont les moyens de leurs ambitions grâce à Churchill.
Plus de 300 entreprises sont sélectionnées et plus de 40 000 personnes participent à la construction des 212 caissons grands comme un immeuble de 6 étages chacun, des 23 quais et plus de 15 km de voies qui constituent ce que nous appelons aujourd’hui le port artificiel.
Pour garder le projet secret malgré les grands édifices servant à sa construction, seules quelques personnes habilitées connaissent la véritable ambition du projet.
5 - L’innovation surgit là où l’on ne l’attend pas
Les Allemands pensent impossible un débarquement par la plage.
Au contraire des ports, les plages de Normandie sont assez peu fortifiées si ce n'est par quelques bunkers. C'est un angle mort que les alliés exploitent en créant l’inimaginable avec ce port artificiel.
2 ans après le mémorandum agacé d’un Churchill furieux et inquiet, le 14 juin 1944, c'est bien à 2 km au large de la plage d'Arromanches que le port flottant entre en fonction.
Et il est tout simplement majestueux.
Au total, il couvre une surface de 500 hectares, soit l’équivalent de 700 stades de foot.
Le 19 juin, une très violente tempête manque de détruire l'édifice.
Son jumeau d'Omaha Beach (Mulberry A) ne résiste pas au contraire de celui d'Arromanches. Malgré les importantes réparations nécessaires, il débarque en 5 mois plus de 39 000 véhicules et 220 000 hommes sur les plages de Normandie.
Dire que tout a commencé par un mémo deux ans plus tôt.
Vous pouvez vous rendre compte du gigantisme de l'édifice en vous rendant sur la plage d'Arromanches. Mulberry B reste visible 70 ans après.
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Sympa
J’aime bien l’idée de ce post
« Il y a forcément une solution. Mettons-nous au travail. Nous allons la trouver ! »
Louis